Le « BUJO » conscient : outil d’accompagnement des TDA

Les TDA et la difficulté à concevoir et habiter le temps.

Les troubles de l’attention aujourd’hui largement présentés par les neuroscientifiques sous l’acronyme TDAH et défini par le DSM V(1)(2) comme un dysfonctionnement neurodéveloppemental présentent notamment parmi les symptômes une difficulté concernant la manière de concevoir et d’habiter le temps. On sait aussi que le développement psychoaffectif de la personne, que l’environnement anxiogène dans lequel s’inscrit sa vie quotidienne et que la notion de manque de plaisir jouent un rôle essentiel dans l’apparition des divers symptômes. (anxiété, baisse de la confiance en soi, impulsivité, agitation, éparpillement, symptômes dépressifs … )

Bullet Journal et vittoz

Les moyens thérapeutiques proposés peuvent être pharmacologiques, des psychostimulants notamment permettant certes de mieux focaliser son attention sur de courtes durées, pour affronter un quotidien qui peut devenir pénible pour soi et pour l’entourage, mais qui restent insatisfaisants sur le long terme. Ces traitement sont aujourd’hui complétés par des propositions psychothérapeutiques variées et par la mise en place d’outils psychoéducatifs.

La présence attentive pour redevenir acteur de sa vie.

La méthode du Docteur Roger Vittoz qui a été élaborée par lui dès le début du 20ème siècle cherche à faire des actes du quotidien un moyen thérapeutique pour retrouver un contrôle sur les deux fonctions cérébrales : La réceptivité et la concentration.

Il s’agit pour la personne de retrouver sans tension et en souplesse un état de présence qui soit non seulement reposant mais réparateur pour tout l’être. Une vision anthropologique complète et unifiante (corps/coeur/esprit) de la personne fonde effectivement ce travail.

Parmi les exercices proposés ce qui va être notamment recherché c’est :

  • Le travail l’accueil sans jugement de l’environnement (ce qui favorise une disposition à l’accueil du réel moins anxiogène)
  • Exploiter positivement le circuit de la récompense en offrant ainsi au cerveau et au corps la sécrétion des « hormones du bonheur ». (Ocytocine, endorphine, dopamine et sérotonine)
  • Rendre la personne actrice de sa guérison, voire « experte » de sa problématique.

A ce titre, la méthode Vittoz trouve pleinement sa place parmi les propositions de soin des personnes diagnostiquées TDAH. En ce qui concerne la gestion du temps cette prise de conscience du réel (cette « réceptivité » à ce qui est) va être déterminante. Et le rapport au temps peut être travaillé.

Le "Bujo" trouve sa place dans l'accompagnement en Vittoz des TDA/H

 Ryder Caroll, un graphiste New Yorkais a démocratisé une méthode d’organisation qu’il a mise au point pour lui-même : elle se présente sous l’aspect d’un journal personnalisé.

Il s’agit d’un système d’organisation personnalisable et qui n’est pas numérique. Il permet d’organiser des calendriers, des rappels, des listes, des remue-méninges, des trackers et d’autres moyens d’organisation dans un seul et même carnet nommé bullet journal. Le nom Bullet Journal vient de l’anglais bullet, qui renvoie à l’organisation des informations par puces (« • », bullets, en anglais), mais aussi au carnet marqué de points plutôt que de lignes qui sont généralement utilisés par les adeptes de cette méthode. (3)

Dernièrement une personne (non TDAH) est venue me consulter en me présentant son « Buljo ». Dans sa vie très chargée de maman active qui porte de nombreux sujets, avec notamment des dossiers administratifs liés aux handicap d’un enfant, est devenu cet outil indispensable qui la suit partout.

A la recherche de confort dans ma propre gestion du temps et par curiosité thérapeutique j’ai mis en place ce nouveau mode d’organisation et j’y ai associé certains exercices Vittoz (actes conscients différés, élimination, récéptivités tactiles, sonores, olfactives, et c.) qui viennent en appui de cet outil déjà très ingénieux et bienfaisant.

 

Une pratique en cohérente avec la méthode Vittoz.

Ce journal présente l’avantage de trouver dans un lieu commun les différentes échelles de temps auxquelles se référer.

Ainsi la perspective d’un projet d’avenir dans lequel je m’inscris en tant qu’acteur décisionnaire (si je pratique vision solutionniste de la thérapie) va pouvoir être nommée clairement par écrit et revisitée (plan d’avenir) et s’inscrire dans des objectifs et des tâches précises à différentes échéances (Année, mois, semaine, jours…)

Le temps consacré à cela en conscience, avec des choix esthétiques de couleur, des sensations qui peuvent agrémenter ce moment de qualité peuvent en faire un vrai moment d’intériorité et de présence à soi, que ce soit en réceptivité ou en concentration.

La satisfaction de l’objet réalisé, la gratification des tâches réalisées, éliminées peuvent venir activement libérer l’esprit et alléger la charge mentale.

Et surtout le temps régulier d’actualisation dédié (5 minutes par jour, 1/4 par semaine, …) vient ritualiser un travail cérébral dont le cerveau tirera profit à la faveur de la plasticité dont il est capable !

Symboliquement, ce lieu éminemment personnel, prolongement de soi, sur lequel je peux agir, vient en renfort ou comme extension de l’espace thérapeutique où je deviens ce que je veux être, ce que je suis en profondeur dans les aspect concret de ma vie.

« Bujo conscient » adopté !

Connexion à soi, y a-t-il du réseau ?

Le pouce du smartphone addict qui scrolle assez vite pour switcher d’un univers à l’autre toutes les secondes sur Insta ne lui demande pas de se concentrer pour faire son « bonheur. » Ce réflexe-là a su s’installer, sans volonté… pourquoi ?

Le chemin parcouru par le stimuli sensoriel entre la peau de son doigt et la conscience du geste moteur est devenu de l’ordre du réflexe…

Dans le langage commun, un réflexe désigne une réponse motrice volontaire et réalisée le plus souvent de façon inconsciente et automatique. Au sens physiologique du terme, un réflexe est une réponse motrice involontaire déclenchée par l’apparition d’un stimulus.1

Que devient notre volonté dans notre quotidien connecté ? Ai-je encore le temps de me poser la question de ce à quoi je veux me connecter ? Est-ce que je veux le prendre?

La fabrique du crétin digital décrite par Michel Desmurget aurait dû nous alerter sur l’impact de tout numérique…

Qu'est-ce qui dans notre quotidien est de l'ordre du réflexe ou de projet ?

La question mérite le détour. Le réflexe est bon, il assure notre survie, en cas de danger vital. Il est le fruit de la conscience du danger et de nerf moteur dont c’est la fonction. Et cela peut sauver des vies. A bien y réfléchir, Paul Claudel disait : « Les gens ne sont des héros que quand ils ne peuvent pas faire autrement. » On perçoit bien l’urgence qui n’est pas de l’ordre du projet. De la volonté consciente , avec tranquillité pour construire une situation satisfaisant à un besoin identifié, mais d’une nécessité vitale posée. En quoi est-ce vital pour moi de ne pas louper une journée d’images défilantes, d’informations contradictoires … serai-je moins existant sans mon app?

Qu’est-ce qui est le fruit, d’une désir ou d’un besoin identifié par la présence à ma personne dans toutes les dimensions de son être? Suis-je attentif à mon état de fatigue, à mon besoin de récompense choisi, à mon besoin de solitude, à mon désir de lien, à mes peurs, à mes manques … ? Tout cela demande une première étape : connexion à soi. « Revenir chez soi » pour entrer en relation avec les autres, pour reprendre les mots de Blandine Clémot.

Le chemin vers soi, pour retourner vers l'autre.

Si au fond de moi, je retrouve un peu d’exigence pour mon esprit, et pour tout mon être, quelle ambition ai-je pour moi ? Quel projet ai-je vraiment à cœur de mettre en place avec ce qui m’a été donné, un corps qui est ce qu’il est , pas toujours performant, pas toujours beau à voir (subjectif ô combien) , qui cependant me fait partager des relations au monde et aux autres, me fait respirer et me permet de penser, d’être créatif, d’être créateur.rice de ma vie et co-acteur.rice du collectif humain… Une responsabilité envers moi-même.

Aujourd’hui suis-je en mesure de décider de me connecter à ce que je suis profondément ?

Y a t’il du réseau?